Des interrogations au regard la constitutionnalité des mesures adoptées en matière de fiscalité automobile

Le projet de loi de finances pour 2021 a été définitivement adopté au Parlement jeudi. Lors de la nouvelle lecture, les députés ont balayé la plupart des mesures qui avaient été introduites par le Sénat en première lecture. Ils ont notamment rétabli le malus sur le poids des véhicules, une des mesures phares introduite par le Gouvernement et pourtant dénoncée par de nombreux parlementaires.

Sur la forme, le malus poids a été adopté en plein milieu des débats parlementaires, et n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact préalable et concertation avec les parties prenantes. Sur le fond, les modalités de taxation liées au poids telles qu’elles sont envisagées par le Gouvernement portent un risque réel de rupture d’égalité devant les charges publiques et pourraient ainsi être contraires à certains principes constitutionnels.

Le CNPA a soumis à l’appréciation du Conseil Constitutionnel un certain nombre d’observations au regard de la constitutionnalité de ces dispositions :

  • D’une part, les nombreuses exonérations envisagées ne reposent sur aucun critère objectif rationnel. La taxation envisagée n’est-elle pas ainsi défaillante au regard du principe de proportionnalité entre l’objectif recherché et les modalités mises en place ?
  • D’autre part, avec un seuil fixé à 1 800 kg, le malus poids ne concernera qu'une très faible proportion de véhicules, principalement des véhicules de constructeurs étrangers. N’y a-t-il pas là une rupture d’égalité devant la loi ?
  • Enfin, le malus CO2, s’il est cumulé au malus poids, constitue une charge excessive pour le contribuable. Pour certains modèles de véhicules, le montant atteint par le malus CO2 fait pratiquement obstacle à la vente et revient à interdire la mise sur le marché de voitures pourtant homologuées par la réglementation européenne. Ne peut-on pas soutenir que la taxe maximale pourrait revêtir un caractère confiscatoire, et constituer une entrave excessive à la liberté d’entreprendre ?

Ces points d’inquiétude et les soupçons d’inconstitutionnalité qui pèsent sur cette mesure sont soulevés par les groupes d’opposition de l’Assemblée nationale et du Sénat, à l’occasion d’une saisine parlementaire du Conseil constitutionnel sur le Projet de Loi de Finances 2021, intervenue ce 17 décembre.

Le CNPA se réjouit que le Conseil Constitutionnel puisse se prononcer pour la première fois sur une mesure proposée par la Convention Citoyenne pour le Climat.

 

Une trajectoire fiscale devenue insoutenable, tant pour la filière que pour les consommateurs

La fiscalité automobile a été au cœur des débats parlementaires sur le Projet de loi de Finances, qui prévoit un nouveau durcissement du malus CO2 dans les prochaines années. Alors que le projet de loi initial prévoyait une sévérisation des montants du malus, avec un déclenchement du malus dès 131g de CO2/km au 1er janvier 2021 puis à 123g au 1er janvier 2022, le CNPA a finalement obtenu une trajectoire plus soutenable pour la filière et les consommateurs. L’abaissement du seuil de déclenchement est ainsi étalé sur 3 ans – 133g en 2021, 128g en 2022 et 123g en 2023.

Les députés ont également adopté la proposition du CNPA d’établir un rapport d’évaluation sur la fiscalité automobile en France, qui devra être remis au Parlement avant le 1er octobre 2021. Le CNPA se félicite que cette mesure figure dans le texte final du PLF. Ce travail d’expertise et d’évaluation est d’autant plus essentiel que la fiscalité automobile est marquée par une instabilité permanente qui ne donne aucune visibilité au marché et aux entreprises.

S’agissant des mesures concernant les poids lourds, le PLF consacre des avancées notables avec la prolongation du suramortissement pour l’achat de poids lourds propres jusqu’en 2024. Cette mesure sera cumulable avec le bonus de 50 000€ pour l’achat de camions roulant à l’électrique ou l’hydrogène, récemment annoncé par le ministre Jean-Baptiste Djebbari à l’occasion du Comité ministériel sur le développement et l’innovation dans les transports. Le CNPA défendait depuis plusieurs mois la création d’un dispositif spécifique de soutien à l’achat de poids lourds, dans le cadre du Plan de relance.

D’autres avancées doivent être soulignées, comme l’augmentation du plafond du Forfait mobilités durables à 500€, au lieu de 400€ actuellement. Le FMD est un levier indispensable au développement des nouvelles mobilités dans le cadre des trajets domicile-travail. L’Alliance des mobilités, qui rassemble les startups de la mobilité au sein du CNPA, travaille à rassembler les acteurs impliqués dans le développement du FMD, ainsi que sur des propositions visant à renforcer ce dispositif, absolument majeur et dans la perspective du projet de loi sur la Convention Citoyenne qui sera présenté en février en Conseil des ministres. A souligner enfin le maintien de la fiscalité actuelle sur le carburant SP95-E10.

 

Le CNPA regrette que, avec l’augmentation des montants du malus CO2 cumulée au malus poids, le PLF 2021 porte finalement un nouveau durcissement de la fiscalité automobile, ce qui ne permettra pas de donner des perspectives encourageantes aux entreprises et aux ménages pour les prochains mois.

En outre, certaines propositions n’ont pas été retenues, à l’image du chèque entretien-réparation automobile destiné aux ménages les plus modestes, qui a reçu un avis défavorable du Gouvernement. Celui-ci a en effet décidé d’orienter ses efforts sur le renouvellement du parc, avec des moyens importants consacrés aux aides à l’achat de véhicules propres. Si ces mesures sont hautement nécessaires, l’entretien et la réparation du parc roulant constituent aujourd’hui un angle mort de la politique de verdissement du parc automobile. La création d’un chèque entretien-réparation automobile s’insère pourtant parfaitement dans le cadre d’une politique globale de gestion des émissions du parc et de lutte contre la pollution de l’air.

La création d’un fonds de soutien aux stations-service rurales n’a pas été adoptée dans le cadre du PLF, alors que le CNPA a averti sur la fragilité de ces entreprises et le fort besoin de soutien à leur modernisation – entre 5 et 8 % des stations en zones rurales menacent actuellement de cesser leur activité en 2021, soit entre 200 et 300 stations-service indépendantes. Alors que la crise sanitaire est venue aggraver la situation déjà précaire de ces petites entreprises, le CNPA regrette que le Gouvernement n’ait pas porté une attention particulière à la question du maillage territorial des stations-service, qui doit pourtant être érigé au rang des priorités gouvernementales dans le cadre de la relance économique. Le CNPA espère que ces questions pourront être traitées par le Gouvernement au cours des mois à venir, avec la mise en place d’un dispositif dédié très attendu par les stations-service indépendantes.

Selon Xavier Horent, Délégué Général du CNPA : « De très nombreux parlementaires, issus de tous bords politiques, se sont mobilisés activement sur les questions automobiles durant les débats sur le PLF. Le CNPA s’en félicite, mais ces interventions traduisent un réel malaise du côté des entreprises et des consommateurs dont les besoins d’accompagnement n’ont jamais été aussi forts en cette période de crise. Les acteurs de la filière et les ménages ont un besoin impératif de confiance et de réassurance, avec une politique beaucoup plus cohérente, incitative et volontariste compte-tenu des enjeux posés. Nous attendons de ce point de vue les décisions du Conseil Constitutionnel, qui appréciera pour la première fois les propositions issues des travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat ».

 

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Le Conseil National des Professions de l’Automobile représente la 5ème branche économique de France avec 142 000 entreprises de proximité et 500 000 emplois non délocalisables. Le CNPA défend l’intérêt général des services de l’automobile en animant une dynamique de filière et en développant une approche prospective sur des thèmes communs à tous les métiers de la mobilité tels que l’activité économique, l’emploi, les nouvelles technologies, le développement durable ou encore l’économie circulaire.

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