Une politique de soutien insuffisante et peu lisible, tant pour le consommateur que pour la filière automobile

Le Projet de Loi de Finances 2020 ne se donne pas les moyens d’une politique d’accompagnement de la transition écologique. Au lieu de renforcer les dispositifs incitatifs favorisant l’acquisition de véhicules vertueux et de permettre à la filière automobile d’avoir une vision globale et pérenne des politiques publiques de soutien, les mesures du projet de loi contribuent au contraire à réduire drastiquement l’ensemble de ces dispositifs.

Le CNPA regrette que le Gouvernement ait amputé des mesures qui connaissaient un réel succès, à l’image de la nouvelle Prime à la Conversion entrée en vigueur en août dernier, et n’ait pas saisi l’occasion du Projet de loi de Finances 2020 pour porter une politique d’accompagnement des automobilistes comme de la filière automobile. Il est dommageable que le Gouvernement ne se donne pas les moyens d’une politique écologique ambitieuse et n’arbitre les dispositifs que sur la base d’une logique comptable.

  • A l’heure où de plus en plus d’automobilistes sont exclus des centres-villes, avec l’entrée en vigueur des ZFE, le Gouvernement aurait dû mettre l’accent sur des dispositifs qui aient une portée sociale, afin d’accompagner les Français dans leur besoin de mobilité. Si les crédits affectés au bonus sont augmentés de 50% par rapport à 2019, le bonus actuel reste trop restrictif. Il n’est en effet éligible qu’à l’acquisition d’un véhicule neuf 100% électrique (ou loué avec option d’achat/d’une durée d’au moins 2 ans), dont le taux d’émissions de CO2 est inférieur ou égal à 20 gm/km – son montant maximum s’élevant à 6 000 Euros.

A titre d’illustration, les véhicules hybrides rechargeables sont exclus du dispositif du bonus, alors qu’ils sont un levier très pertinent pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, comme l’a illustré un rapport de l’ADEME en avril 2018 sur l’électrification des véhicules. Visant une clientèle familiale, de classe moyenne et urbaine, ils permettent de basculer vers une solution innovante en usage, basée sur un double mode thermique/électrique, et constitue un vecteur d’emplois importants, avec un socle industriel implanté en France. Le CNPA soutient l’introduction d’un bonus de 2000 Euros sur les véhicules hybrides rechargeables, qui permettrait de soutenir le démarrage en France de l’électrification du marché, dans la perspective des années 2020 à 2022 qui sont particulièrement clé.

  • Si le PLF 2020 détermine le montant des crédits affectés au bonus, un décret devrait être publié dans le courant de l’automne, visant à préciser les modalités de mise en œuvre du bonus, pour les particuliers ainsi que pour les flottes d’entreprises. Le CNPA rappelle que les flottes constituent un levier majeur en matière de verdissement du parc automobile, puisque 60% des véhicules neufs vendus actuellement sont destinés à des entreprises. Le CNPA alerte sur l’incohérence d’une application d’un bonus à deux vitesses, qui serait réduit drastiquement pour les entreprises, alors même que celles-ci doivent répondre à des obligations de verdissement des flottes, renforcées à compter de 2022 par la loi d’Orientation des Mobilités.

Il serait important de compenser ce type de disposition par des mesures incitatives visant les professionnels pour l’acquisition de véhicules électriques, telles qu’une réduction de TVA. Des dispositifs d’aide en faveur de l’installation de bornes de recharge pourraient être également prévus à destination des professionnels.

 

  • Dans un contexte d’entrée en vigueur du WLTP en 2020, deux grilles de malus seront mises en œuvre au cours de l’année 2020, une première avant le passage du WLTP, et une nouvelle grille après le passage au WLTP d’ici juin 2020.

La nouvelle grille de malus débutera à 110 g de CO2/km (avec un montant de 50 €), soit 7 grammes plus bas que la grille actuelle, alors même que le Gouvernement s’était engagé à un déclenchement du malus sur la base d’une baisse de 3 grammes par an sur le quinquennat. Cette révision de la grille s’accompagnera d’un durcissement des montants, indépendamment du passage au WLTP.

La décision prise par le Gouvernement de mettre en place deux grilles de malus en 2020 ajoute une complexité supplémentaire au dispositif et à l’instabilité que connaît le marché automobile depuis de nombreux mois. L’illisibilité et l’instabilité de ces politiques de soutien ne contribuent qu’à accentuer le sentiment de présomption négative sur un secteur qui est amené à réaliser des efforts considérables pour atteindre les objectifs environnementaux ambitieux, fixés au niveau européen et français.

 

  • En 2019, l’équilibre bonus-Prime à la conversion / malus devrait être en excédent de 100 millions d’euros (800 millions d’euros crédités au titre du malus, et 700 millions d’euros engagés au titre des Primes à la conversion et des bonus). Le CNPA s’interroge sur la réaffectation de ce solde positif, qui devrait être utilisé pour favoriser la politique écologique ambitieuse affichée par le Gouvernement.

En outre, le compte d’affectation spéciale dédié au bonus-malus est supprimé. Cela signifie que les dépenses des bonus et les recettes du malus sont ciblées vers le budget général de l’État. Si la mécanique précédente d'un compte d'affectation spéciale était rigide et ne permettait pas de souplesse dans l'utilisation des crédits, cette nouvelle structuration comporte un nouveau risque, celui de « noyer » les crédits du malus dans le budget général de l’Etat, et de ne pas créer une politique vertueuse de réaffectation des recettes au financement des politiques de soutien telles que la prime à la conversion et le bonus.

 

  • Certaines taxes à l’immatriculation sont fusionnées, à compter du 1er janvier 2021, pour simplifier le cadre fiscal des véhicules – trois taxes à l’immatriculation perdureront, une taxe fixe, une taxe régionale et le malus fondé sur le CO2. Le barème de la TVS devra être adapté en fonction de la nouvelle norme WLTP.
  • Les mesures du Projet de loi de finances 2020 ne contribuent pas, à ce stade, à une politique ambitieuse d’accompagnement de la transition du parc automobile – et viennent s’ajouter à la réduction drastique du nouveau dispositif de Prime à la conversion entré en vigueur le 1er août dernier. Rappelons que la nouvelle version de la prime exclut de façon significative les véhicules d’occasion thermiques, et cible des modèles type « citadine » et les plus coûteux, pour des publics extrêmement modestes qui sont dans l’incapacité d’acquérir ce type de véhicules.

Pourtant, la prime à la conversion est une mesure qui a atteint l’ensemble des objectifs environnementaux et sociaux. Mesure sociale d’accompagnement des publics les plus fragiles, ce dispositif avait connu un succès considérable, avec 250 000 primes accordées en 2018, et 220 000 primes au 30 juin 2019.

La nouvelle prime à la conversion est un instrument aujourd’hui beaucoup trop restrictif par rapport à l’objectif d’un renouvellement plus rapide et plus massif du parc.

Le CNPA s’interroge en outre sur la remise en cause de ce dispositif, plébiscité par les Français qui en ont le plus besoin pour leur accès à la mobilité, alors que le malus, dans le même temps, présente un solde positif de 100 millions d’euros.

Les crédits affectés à la prime à la conversion pour 2020 étant intégrés au budget général de l’Etat, le montant des crédits reste pour le moment indéterminé.

Ces annonces s’inscrivent dans un contexte complexe sur le plan économique pour la filière automobile, l’objectif de réduction des émissions de CO2 sous le seuil moyen de 95g/km pour 95% des flottes automobiles étant fixé à 2020, qui aura des conséquences économiques majeures pour les entreprises de la filière automobile, et in fine pour les consommateurs. La situation des sites industriels, comme l’illustre l’actualité relative au site de Bosch à Rodez, démontre la nécessité d’une politique de soutien et d’accompagnement des acteurs de la filière automobile.

Le CNPA rappelle qu’il est primordial, dans un tel contexte, de se doter d’une politique solide, cohérente et pérenne de soutien et de financement de la transition écologique du parc, pour ne pas pénaliser les automobilistes et le tissu industriel français, et répondre aux impératifs écologiques et objectifs fixés par l’Union européenne.

Le CNPA regrette, plus généralement, que le Projet de loi de finances ne porte pas une politique plus volontariste pour soutenir la compétitivité et l’emploi, et des mesures concrètes pour les entreprises. Il est indispensable que le Gouvernement promeuve des mesures favorisant la croissance, dans un contexte de forte concurrence à l’international.

 

Téléchargez le communiqué de presse