Des petits pas, qui ne prennent pas la mesure d’une politique automobile adaptée au contexte économique et social actuel

Dans le cadre des débats sur le Projet de loi de Finances pour 2021, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement qui prévoit de lisser sur trois ans au lieu de deux la hausse des montants du malus automobile. Il s’agit de petits pas et d’avancées constatés suite à la proposition portée par le CNPA, avec les acteurs de la filière, visant à atténuer le très fort durcissement du malus CO2 à compter de 2021. En outre, l’introduction d’un malus sur le poids des véhicules, confirmée par le Gouvernement lors des débats parlementaires en tout dernière minute, qui sera examinée en 2e partie du PLF, constitue une nouvelle hausse de fiscalité, prise sans étude d’impact et en-dehors de toute concertation avec la filière. Enfin, contrairement à ce qui est parfois relayé, présentant certaines mesures comme acquises, il faut rappeler que l’ensemble de ces dispositions sont toujours en cours de discussion parlementaire, jusqu’à l’adoption définitive du projet de loi de finances, mi-décembre.

Alors que le projet de loi de Finances prévoyait une sévérisation des montants du malus automobile au 1er janvier 2021 et au 1er janvier 2022, avec un déclenchement du malus dès 131g de CO2/km en 2021 puis 123g en 2022, le Gouvernement a finalement consenti à un lissage du barème du malus sur 3 ans. Concrètement, tous les véhicules neufs émettant plus de 133g de CO2/km seront frappés d’un malus à compter du 1er janvier 2021. Le seuil est abaissé à 128 g de CO2/km au 1er janvier 2022 et à 123 g de CO2/km au 1er janvier 2023. L’augmentation du plafond du malus automobile fait également l’objet d’un report – celui-ci passe de 20 000€ à 30 000€ en 2021, puis 40 000€ en 2022 et 50 000€ en 2023.

Le CNPA est à l’initiative, aux côtés de ses partenaires, de ces propositions de repli, visant à une progressivité sur 3 ans de l’abaissement du seuil de déclenchement du malus, qui permettra d’atténuer en partie les effets de la hausse de fiscalité.

Cependant, le CNPA considère que la situation économique et sociale actuelle, dominée par la crise sanitaire, devrait clairement inviter le Gouvernement et le Parlement à renoncer provisoirement aux mesures consistant à alourdir la taxation automobile. Indépendamment de l’impératif d’inscrire la filière et la consommation automobile dans une trajectoire de transition écologique, c’est avec une grande réserve que le CNPA accueille les mesures en discussion, compte-tenu d'un contexte général qui compte trop de facteurs d'incertitudes et de fragilisations.

Comme l’a prévu l’amendement porté par le Rapporteur Général du Budget, Laurent Saint Martin, proposition promue également par de nombreux autres députés, le principe d’un rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur la fiscalité automobile a été adopté. Ce travail d’expertise et d’évaluation est d’autant plus pertinent - et premier -  que la fiscalité liée à la filière est marquée par une instabilité qui ne permet pas au marché comme à l’ensemble des acteurs de se structurer de manière lisible. Ce travail devrait être prioritaire pour concerter et mettre en place une politique fiscale cohérente avec les objectifs et les possibilités de la filière et des consommateurs.

Par ailleurs, le CNPA souligne que Bercy, par la voix du Ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire, s’est engagé à n’effectuer aucune augmentation d’impôt en 2021. C’est d’ailleurs à ce titre que le Gouvernement s’est ravisé la semaine dernière, au sujet de la fiscalité sur l’essence SP95-E10.

Il est regrettable que le Gouvernement annonce concomitamment la mise en place d’un malus supplémentaire fondé sur le poids des véhicules, décision prise sans étude d’impact et sans concertation avec les acteurs de la filière, venant s’ajouter à une hausse déjà très forte et continue de la fiscalité automobile en 2019. Si le malus poids ne concernerait, au stade actuel, que les véhicules de plus de 1,8 tonnes, les véhicules électriques et les hybrides rechargeables étant exclus de ce dispositif, le CNPA s’inquiète d’un durcissement du barème du malus poids dans les prochaines années, à l’image du barème CO2, faisant de la fiscalité automobile une variable d’ajustement budgétaire.

En outre, on peut s’interroger sur la cohérence, au plan environnemental, d’une exclusion des véhicules électriques et hybrides : de récentes études, telle que celle réalisée par le think tank Arval Mobility Observatory, attirent l'attention sur le bilan carbone des voitures électriques.

Le CNPA considère le principe de neutralité technologique comme central, alors que les dispositifs de soutien publics semblent s’éloigner de ce principe : l’exclusion des Crit’Air 2 de la prime à la conversion, et en conséquence de l’ensemble des véhicules diesel et d’une très grande partie des véhicules thermiques, telle qu’annoncée par la Ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, sans étude préalable ni concertation, a pour impact de rendre cette mesure inefficace et illisible compte tenu de la population ciblée.

Les risques de contournement de la fiscalité automobile, avec une multiplication des immatriculations et des locations à l’étranger, doivent être également pris au sérieux. L’aggravation des distorsions de fiscalité entre les pays de l’Union européenne aura des conséquences immédiates sur les finances publiques et la production et commercialisation de véhicules en France.

Rappelons par ailleurs que ces nouvelles dispositions nationales nécessitent d’être articulées avec les réglementations européennes, et qu’il est indispensable d’éviter à la fois une surréglementation et une juxtaposition de normes qui se trouveraient en complète contradiction.

Il est particulièrement dangereux de pénaliser une filière totalement investie depuis de nombreuses années dans la transition écologique, qui réalise des efforts sans précédent pour améliorer les performances des véhicules. La filière reste fragilisée, comme l'atteste une étude récente menée par Altares sur l'augmentation du nombre de liquidations judiciaires, et la visibilité de l’activité au cours des prochains mois est à ce stade quasi-nulle.

Rappelons par ailleurs que les services de l’automobile sont l’un des secteurs qui a le plus sollicité les mesures de soutien du Gouvernement (Fonds de solidarité, PGE, etc.).

Le durcissement de la fiscalité automobile intervient en pleine crise sanitaire, alors que le pouvoir d’achat des Français a baissé de 7% depuis le mois de mars. Le CNPA regrette à ce titre que les débats sur le malus occultent d’autres propositions constructives, portant notamment sur l’entretien du parc automobile, la diversification des activités des stations-service, le rétrofit ou le déploiement du Forfait Mobilité Durable. Le CNPA a ainsi proposé la création d’un chèque entretien-réparation responsable, qui, sur le modèle de la prime à la conversion pour les véhicules, permettrait d’aider les ménages modestes à effectuer les réparations automobiles nécessaires à la sécurité et aux émissions de leur véhicule – 700 000 véhicules ont échappé en 2019 au contrôle technique ; un coup de pouce à l’entretien-réparation permettrait d’avoir un impact positif tant sur les émissions polluantes que sur la sécurité routière.

Parallèlement, le CNPA a également proposé la création d’un Fonds d’aide pour la modernisation et la diversification des stations-service indépendantes, qui permettrait de déployer les énergies alternatives dans tous les territoires (bornes de recharge, nouvelles énergies, etc.) en évitant des fermetures de points d’approvisionnement.

Enfin, il est important que le PLF se concentre sur des mesures incitatives telles que le soutien au Forfait Mobilité Durable, avec une augmentation du FMD en faveur du déploiement des nouvelles mobilités et de la mobilité partagée.

Au total, comme le souligne la tribune publiée le 14 Octobre dernier et signée par tous les acteurs représentatifs de la filière (PFA, CNPA, CCFA, FIEV, CSIAM) et trois organisations syndicales (FO, CFE-CGC, CFTC), l’évolution de la fiscalité automobile envisagée par le Gouvernement est particulièrement inquiétante : elle revient à taxer plus sévèrement les consommateurs tout en exigeant des acteurs de la filière automobile des adaptations structurelles très rapides, sans évaluer correctement les questions de la soutenabilité économique et de l’acceptabilité sociale. Les effets de bords sont multiples : une hausse générale de la fiscalité automobile en France risque d’accroitre les fractures sociales et territoriales et emporte de lourdes conséquences sur une filière automobile soumise à trop de pressions simultanées.

Le CNPA continuera de faire valoir ces propositions tout au long des débats parlementaires sur le Projet de loi de Finances, pour promouvoir des solutions concrètes au service de la mobilité quotidienne des Français.

Très cordialement,

Xavier Horent, Délégué Général / PO. Francis Bartholomé, Président national